Rencontre avec... Lucile Alexandre
Au plus loin qu’elle s’en souvienne, Lucile a toujours souhaité “donner les compétences [qu'elle a] aux autres”. Une manière “de s’inscrire dans quelque chose de plus grand que moi”, résume la jeune femme de 28 ans, doctorante au prestigieux Institut Curie, en cotutelle avec le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes de Toulouse. De quoi “pouvoir dire que j’ai agi”, avec le sentiment “d’avoir transmis quelque chose de complet”. Une quête d’aboutissement qui l’anime depuis le plus jeune âge. “J’ai toujours été intéressée par les sciences, la logique, les réponses sûres”, dit-elle. Elle a trouvé une première reconnaissance à travers l’attribution du prix de la Fondation L’Oréal-Unesco encourageant l’engagement des femmes en sciences.
La recherche au féminin
Aujourd’hui, seulement 28 % des chercheur-cheuses sont des femmes. En Europe, 89 % des hautes fonctions académiques sont occupées par des hommes, et seuls 3 % des prix Nobel scientifiques ont été attribués à des femmes. Une sous-représentation féminine qui a un impact direct sur leur moins bonne prise en charge. Entrée à l’Institut Curie, après une prépa à Nantes et quatre années en physique fondamentale à l’ENS Cachan — où “je me suis un peu perdue”, reconnaît-elle —, Lucille est une parfaite illustration de l’importance de la présence des femmes dans la recherche. Elle a été récompensée pour son travail sur la pré-éclampsie, pathologie qui touche 2 à 7 % des femmes enceintes et entraîne de nombreuses complications, voire leur décès ou celui de leur enfant. Son objectif était de descendre à l’échelle moléculaire pour détecter le plus tôt possible la présence dans le sang de la mère des facteurs de croissance sFlt-1 et PlGF, corrélés à l’apparition des symptômes. Le but est de diminuer leur ratio pour soulager la mère. “Nous avons obtenu des résultats très intéressants”, se félicite Lucile, dont les travaux vont se poursuivre, mais sans elle ! “J’ai envie de passer la main, de laisser la place à de nouvelles idées, de nouvelles approches.”
Le gêne de l’échange
Des valeurs d’échange, de partage, qui constituent effectivement l’ADN de celle qui se réjouit “d’avoir toujours été très bien entourée durant [son] parcours”. Lors de son année d’histoire et de philosophie des sciences, une “année géniale”, où elle a pu “mieux comprendre comment et pourquoi se sont construites les sciences”. Durant son “année de pause”, à Houston, aux Etats-Unis, auprès d’un attaché scientifique, grâce auquel elle a pu rencontrer des astronautes et universitaires. Durant sa thèse enfin, où elle ne s’est “pas mis de frontières”, et a collaboré avec des médecins, chimistes, biologistes… “De superbes rencontres. On se construit au contact des gens, j’en ai toujours besoin.” Raison pour laquelle elle souhaite désormais partir un ou deux ans en post-doc à l’étranger pour “mieux comprendre la logique de la démarche des chercheurs dans d’autres pays”, avant de revenir en France pour “continuer à apporter sa pierre à l’édifice”.