Restos du cœur : l’humanité en état d’urgence
Les bénévoles s’attendent à accueillir entre 750 et 800 familles (de une à six personnes) au plus fort de la campagne hivernale, qui s’achèvera fin mars 2018. “Nous comptions quelque 200 inscriptions début novembre. Aujourd’hui, nous en enregistrons 410. Les chiffres progressent d’année en année, plus de 10 % entre 2016 et 2017”, s’émeut Christian Naud, l’un des deux coresponsables, avec Paul Lamarche. Le bilan de la campagne d’été recense 600 familles.
Jusqu’à 200 familles par jour
L’équipe travaille “dans la bonne humeur, la bienveillance”. La majorité des bénévoles réside à Echirolles ; d’autres n’hésitent pas à venir de Villard-de-Lans, Saint-Nazaire-les-Eymes, Vizille, Grenoble, Claix, pour donner un coup de main. “Six ou sept personnes de plus ne seraient pas du superflu”, sourit l’un d’eux. Ici, “ça turbine, on a tellement de monde, jusqu’à 200 familles peuvent franchir notre seuil par jour, déclare Christian Naud. C’est parfois la chaîne, pas facile d’échanger dans ces cas-là. Des personnes s’effondrent dans nos bras, alors on discute, on les informe. Elles repartent avec un sourire, on leur redonne un peu de dignité. Ce temps peut paraître très court, mais il apporte un peu de réconfort.”
Lucie, habite à la Luire. Elle est à la fois bénéficiaire et, depuis trois semaines, bénévole au centre des Restos du cœur d’Echirolles. “Je suis dans un parcours de soins, je ne travaille pas actuellement, j’ai du temps. On m’a fait la proposition de devenir bénévole. C’est une très bonne idée, une forme de réinsertion, une expérience. Et puis, je découvre les réalités cruelles de l’approvisionnement des Restos du cœur. C’est compliqué de répondre que l’on n’a pas telle ou telle denrée souhaitée… J’ai toujours été dans le social, j’aide à la Maison des habitants La Ponatière, je participe au comité des usagers. Je rends un peu ce qu’on me donne, ça m’aide énormément.
Parmi les bénévoles, il y a aussi une mamie de 83 ans qui prépare le repas de l’équipe à midi, parfois plusieurs jours par semaine : “C’est un temps fort, on discute de tout, on débriefe”.
Distribution et services
Il y a des hauts et des bas, mais le centre d’Echirolles tourne “plutôt bien”. Au quartier des Essarts à la Ville Neuve, les locaux — mis à disposition par la Ville, en partenariat avec la Société pour l’habitat (SDH) — se divisent en plusieurs appartements : espaces administratifs, de stockage, de distribution… “C’est un sacré avantage, souligne Christian Naud. Le CCAS nous attribue une subvention chaque année.”
L’approvisionnement alimentaire provient de la Communauté européenne, du dépôt départemental de Saint-Martin-le-Vinoux, de supermarchés et magasins, de dotations de produits de première nécessité du réseau national des Restos du cœur. Sans compter la campagne nationale en mars, l’apport de particuliers. ”Nous organisons des opérations ponctuelles, nous mobilisons nos relations. Certes il manque toujours quelque chose, mais on obtient ce qu’on veut dans l’ensemble”, dit Christian Naud. Le centre d’Echirolles distribue également des biberons et couches pour les enfants de 0 à 12 mois — c’est le centre de Grenoble qui prend le relais pour les enfants de 12 à 18 mois. Un dépôt vestimentaire, le “vestiaire”, a été ouvert. Des cours de français ont eu lieu ; une esthéticienne a même offert ses services, avant de retrouver un emploi. Cette année, Annick Dumaz, ancienne responsable, propose un nouveau service : une aide à la personne, pour faciliter des démarches administratives, un contact avec une assistante sociale, orienter des personnes qui vivent dans la rue vers des équipements ou organismes d’accueil ou d’hébergement temporaire.
A l’évidence, les idées, et l’humanité, ne manquent pas.
JFL
Contact
1, allée du Limousin
04 76 09 00 58
Trois jours de distribution
Mardi et jeudi, de 8 h 45 à 12 h et 13 h 15 à 16 h, vendredi, de 10 h à 12 h et 13 h 15 à 16 h.
Témoignages
Romane et Marie-Estelle
Depuis une dizaine d’années aux Restos du cœur, Marie-Estelle passe des distributions aux inscriptions. Elle mesure le chemin parcouru — “notre action a du sens localement” —, mais pointe son désappointement quand les denrées manquent : “Il a fallu que j’adresse des photos des rayons vides, courant 2016, pour que l’organisation à un niveau plus élevé constate le dysfonctionnement dans l’approvisionnement.” Des délégués départementaux se sont déplacés, et “la situation s’est améliorée”. Très investie, Marie-Estelle a le sentiment “de faire quelque chose d’utile”, qui s’accompagne “de formations nécessaires”.
Ainsi que trois autres étudiants de l’Institut de formation en travail social (IFTS), Romane, 18 ans, effectue un stage de première année d’éducatrice spécialisée. Sensible aux questions sociales, elle aimerait travailler dans un organisme comme la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). “Aux Restos du cœur d’Echirolles, ils sont top, super accueillants, très disponibles. On se sent à sa place comme membre de l’équipe. Ils nous mettent à contribution, on fait bouger ce qu’on peut, à notre échelle, sans jugement des personnes qui n’ont fondamentalement rien de différent de nous, si ce n’est leur situation précaire. Humainement, c’est une belle expérience. Les échanges sont profonds, enrichissants, très émouvants. La mise à l’écart de la société me dégoûte. C’est cliché de le dire comme ça, mais notre présence n’est pas qu’un concours de circonstances.”